Réflexion COVID-19 | Le virus passe aux aveux

Oui, c’est bien moi, le virus qui cause la maladie que vous appelez coronavirus disease 2019 (COVID-19). Je vais vous raconter mon histoire, que vous aurez peine à croire !

Je me trouvais paisiblement chez mon hôte adoré et ami de longue date, la chauve-souris, jusqu’au jour où, gambadant ici et là, je me suis fait un nouvel ami, le pangolin, auquel je me suis profondément attaché.

Il m’a fallu faire beaucoup d’efforts pour m’y adapter, mais j’ai réussi et j’en suis fier !

C’était le parfait bonheur. Jusqu’au jour où mon hôte fut capturé et tué par un de vos semblables. J’ai été témoin de cette violence gratuite faite à ce pauvre animal sans défense et qui était recherché pour ses écailles, qui, apparemment, valent une mine d’or dans votre monde.

J’étais avec lui au marché public où il était exposé, suspendu par ses pattes arrière, pour être vendu au plus offrant.

Ensuite, tout s’est passé très vite. Sans que je m’en aperçoive, je me suis retrouvé sur la main de cet homme, puis rapidement sur une de ses muqueuses, chaudes, humides et très accueillantes, je dois l’admettre.

Mon arrivée dans ses poumons fut le summum. C’est à ce moment-là que j’ai constaté que l’air frais et oxygéné, réchauffé au contact du sang chaud, me faisait le plus grand bien. Je m’y plaisais vraiment ! Tout nouveau, tout beau, pensai-je.

Malheureusement, ce n’était pas tout à fait réciproque, car mon hôte semblait trouver notre cohabitation plutôt difficile.

C’est pourtant lui qui m’a approché et non pas moi qui me suis imposé. Et puis, si l’un de nous devait faire des compromis, ce n’était pas à moi de les faire, mais bien à lui !

Moi, je suis demeuré le même depuis le début de notre relation ; je n’ai donc rien à me reprocher. La preuve ? La chauve-souris et le pangolin, soi-disant inférieurs à mon nouvel hôte, me supportaient bien et je leur étais fidèle. En fait, j’ai toujours vécu en harmonie avec mes (ex) hôtes.

Mon hôte humain, qui allait bien jusque-là, commença à faire de la fièvre et à tousser. L’état de mon hôte se détériora rapidement et, peu après son hospitalisation, il fut transféré aux soins intensifs et placé sous respirateur. Sa vie ne tenait alors qu’à un fil… électrique.

Blague à part, son état critique m’a amené à réfléchir. J’ai réalisé alors à quel point je tenais à lui. Mais voyant que ma présence le rendait à ce point malade, j’étais inquiet qu’il ne veuille plus de moi et me quitte.

Mon hôte pangolin et moi nous croyions à l’abri des hommes et en sécurité, aux confins de la forêt. Mais pourquoi diable est-il venu jusqu’à moi ? Pourquoi a-t-il perturbé le cours de mon existence, jusque-là calme, paisible et sans histoire ?

Je me questionnai sans cesse, tout en vaquant à mes occupations, soit celles de me répliquer et d’assurer la continuité de notre lignée.

Puis, sans crier gare, mon hôte cessa de respirer.

NOOONNN ! ! ! Qu’avais-je fait de mal ? J’avais tant besoin de lui pour vivre ! Sans lui qui comblait ma dépendance affective, que vais-je devenir maintenant ?

Heureusement, le destin m’a souri. Je me suis trouvé une nouvelle hôtesse, une femme, qui prenait soin de mon ami maintenant décédé. J’espère que, cette fois-ci, la chimie s’installera entre nous.

C’est alors que le sentiment de culpabilité m’envahit. C’était nouveau pour moi.

Mes contacts m’ont éventuellement rassuré en me disant que je n’étais pas le seul à vivre cette situation et que c’était partout pareil.

Est-ce de ma faute ? Est-ce moi qui ai causé sa mort ? Est-ce moi le vrai coupable ?

Trois questions, trois réponses.

Je me demande encore pourquoi cet homme s’est aventuré aussi loin de chez lui. N’occupe-t-il pas suffisamment de territoire comme ça ?

S’il était en quête d’aventure, jamais il n’en aura vécu autant. Et il l’aura bien cherché. Car, tout ça, c’est de sa faute !

Alors, dites-moi, à voir la cohue que je sème partout dans le monde, qui est le plus faible ? L’homme ou le pangolin ?

Je dois vous avouer que nous avons pris goût à votre espèce, et je crains pour vous, et non pour moi, que nous soyons unis pour la vie. Pour le meilleur et pour le pire. Du moins, jusqu’à ce que la mort nous sépare. La vôtre, bien entendu.

Je suis nostalgique de mon ancienne vie et je m’ennuie de la chauve-souris et du pangolin. Avec eux, je menais une vie beaucoup plus stable et paisible.

J’imagine que ça vous manque à vous aussi.

Mais une chose est sûre : plus rien ne sera comme avant.

Au fait, pourquoi voulez-vous développer un médicament ou un vaccin pour tenter de nous éradiquer et de vous soigner ? Pour continuer d’humaniser tous les territoires possibles et de saccager la Terre au point de compromettre votre propre survie ? Pour continuer de venir m’embêter ?

Non, vraiment, je ne vous comprends pas.

En terminant, il faut que vous sachiez que nous sommes sur Terre depuis bien plus longtemps que vous et que nous y serons encore longtemps après vous.

Alors, plutôt que de nous faire la guerre, pourquoi ne cherchez-vous pas à faire la paix ?

Avec vous. Avec la biosphère. Avec la Terre.

Pour l’éternité ?

Patrick Provost Professeur titulaire, faculté de médecine, Université Laval
La Presse +